Jeune fille dans une vasque, Paul Delaroche

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BAP | Bon à prendre | 8

Louise est seule. Lointaine.
Celui qui la peint est seul aussi désormais. Il la peint belle, sensuelle, vivante, une dernière fois.

Toujours cette peinture à l’atmosphère étrangement silencieuse, triste et tendre, m’a attirée. Il est des œuvres qui vous happent un jour, s’installent dans votre cœur, dans votre esprit et reviennent, sans crier gare, habiter certains moments de votre vie.
J’ai aimé ce tableau bien avant de pouvoir l’admirer chaque jour au musée. Il me touchait profondément par son évocation de la perte, de la séparation avec les êtres aimés, de cette angoisse qui ressurgit forcément aujourd’hui.
Mais ce tableau est aussi un souvenir heureux, radieux. Un souvenir de Naples, où j’accompagnais d’autres œuvres appartenant à autre musée et où je l’avais, par hasard, retrouvé. Il est donc pour moi une réminiscence d’Italie, si douce à rappeler à soi quand le soleil du printemps vient vous taquiner et vous réchauffer derrière les fenêtres de ce monde désormais fermé.
Il est enfin un poème tout entier. Et cette poésie suffit seule à m’apaiser. Louise est aussi Eurydice. La lyre est peut-être celle d’Orphée. Et si leur histoire est triste, elle est avant tout une histoire. Comme celles qui nous emportent au creux d’un livre ou d’un rêve, comme celles que mes enfants racontent en tournoyant à cette heure autour de moi, comme celles qu’ils inventeront demain, qui grandiront en eux et qu’ils embarqueront quand, de nouveau, ils pourront savourer le soleil d’un monde grand ouvert.

Virginie Frelin-Cartigny est documentaliste au MBAA

Paul Delaroche, Jeune fille dans une vasque

Portrait de Diane, la levrette de Bergeret , François André Vincent.

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BAP | Bon à prendre | 7

Promener son chien est devenu un laissez-passer, hélas je dois avouer que ni les chiens ni les chats ne m’ont jamais beaucoup touché. Le portrait de Diane par François-André Vincent – l’un des tableaux préférés de mon fils, qui me tourne autour au moment où j’écris – ne cesse pourtant de me ravir par l’espièglerie de son auteur, accentuée par son rapprochement dans les salles du musée avec l’effigie de son illustre propriétaire, Bergeret de Grancourt, qui se fit représenter en grand enfant gâté par le même artiste quelques jours plus tard. De cette levrette au prénom snob – le fait même qu’on l’ait retenu en fait presque un chien royal – on ressent pourtant en observant son pelage, ses muscles tendus, les tics nerveux et la fragilité sinon la vulnérabilité. Son achat par le musée en 1991 fut un coup de maître, grâce à l’oeil d’un historien de l’art, Jean-Pierre Cuzin, qui sut détecter dans un anonyme portrait de chien passant en vente publique cet illustre modèle, dont le journal tenu par Bergeret avait sauvé le nom. Bergeret comme Peggy Guggenheim portait certainement une certaine affection à ses animaux puisqu’il fit faire par Clodion un amusant mausolée en terre cuite pour son serin Fifi et un autre pour un petit chien un peu grotesque. Mais le portrait de Diane, le plus faussement sérieux de ces trois hommages, n’était pas une commande, le jeune Vincent en fit « l’heureuse surprise » – l’expression était alors encore légère – à Bergeret installé à Rome quelques mois au palais Mancini, parmi les jeunes pensionnaires de l’Académie de France. Ceux-ci se pressaient aux dîners et « conversations » animés par le riche mécène, l’un des plus fastueux touristes de l’Europe des Lumières. Ce portrait réalisé dans une atmosphère leste, amicale, pleine de vie, je l’emporterais avec moi comme l’aurait fait un financier émigré avec le portrait d’un grand-père, découvrant une fois déballé qu’un chien avait chassé le modèle. En ferais-je, comme le furent souvent ces portraits de chien, un devant de cheminée ? Mais aurais-je besoin d’une cheminée, sur mon île ?

Yohan Rimaud, conservateur beaux-arts au MBAA

Portrait de Diane, levrette de Bergeret, François André Vincent, 1774

Oenochoé étrusque à décors celtiques

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BAP | Bon à prendre | 6

Que choisir parmi la multitude d’objets archéologiques, utiles ou beaux, rares ou communs, qui nous rassemblent en dépit de l’isolement ? Il m’apparaît que cette œnochoé, ou vase servant à puiser le vin pour le distribuer, correspond à l’idée et aux émotions que j’ai de cet événement. Objet antique produit en Étrurie (Italie actuelle) vers 500 avant notre ère, il a circulé jusqu’à atteindre la région de Besançon, probablement à la demande d’une riche personnalité. Émouvant objet par son histoire, de très bonne facture, il a été d’autant plus sublimé, car personnalisé à la mode locale, avec un décor végétal sur la panse. Je me prends souvent à en faire le tour pour observer les petits détails, gravés avec soin.
Exemple de contacts à longue distance, il fut ensuite approprié et devient exemplaire unique et riche de deux cultures. Je crois que, dans une période où les contacts humains se font plus rares, cet objet symbolise le retour à un état providence, voire à un renouveau, plus chaleureux. Objet façonné par des personnes éloignées géographiquement, il apparaît comme un produit à la fois utile et esthétique, fort d’une histoire de contacts.
Au sortir de cette situation peu habituelle, peut-être pourrions-nous nous aussi faire voyager un objet cher à notre cœur et laisser une trace s’y accoler ? Et ainsi obtenir un objet unique, remémorant les cultures et liens entre chacun.

Cécile Clément-Demange, Régisseur des collections archéologiques

Oenochoé étrusque à décor celtique

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